Boing Ball - l'histoire pleine de rebondissements de l'emblème Amiga

Beaucoup la connaissent de loin et il n'est pas rare de la voir aujourd'hui déclinée en mug, oreiller, coussin, tee shirt ou ballon de plage. Mais quelle est l'histoire de la Boing Ball, cette icône qui restera à jamais un objet mythique de l'industrie informatique en même temps que l'emblème indissociable de l'ordinateur Amiga ?
publié le 10 octobre 2018 mis à jour le 15 septembre 2023
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The Amiga Boing Ball... vous la verrez encore aujourd'hui orner la dernière version de l'AmigaOS 3.1.4 qui vient de sortir, vous la verrez même dans un hommage diffusé au cours de l'AmiParty 2018... mais qui a donc inventé cette baballe à carreaux qui rebondit depuis plus de 3 décennies et que l'on associe généralement à l'Amiga (mais aussi l'équipe de foot Croate ou la fusée de Tintin) ?

De la démo de 1984...

La démo de l'Amiga Boing Ball est créée au CES dans la soirée du 4 janvier 1984 par Dale Luck et RJ Mical. En un temps record, ils améliorent le programme de Sam Dicker, The Spinning Ball. Pour la légende, on dit même que la démonstration a été finalisée au dernier moment derrière le stand de la jeune société californienne alors même que se déroulait le discours de présentation de l'ordinateur Lorraine.

Le Lorraine exposé n'était qu'un assemblage erratique de cartes (platines Labdec) reliées par de nombreux câbles. Cet amoncellement électronique nécessita même, pour son transport, son propre siège dans l'avion (place réservée sous le nom de "Joe Pillow"). Quelques heures avant l'ouverture du salon, le Lorraine ne fonctionnait pas. La partie logicielle avait été créée sur des simulateurs et terminée dix jours avant ce salon. Mais quand il a fallu inclure le système dans le Lorraine, les résultats n'étaient pas ceux prévus. Il a fallu un travail acharné de l'équipe Amiga pour que le prototype puisse enfin marcher correctement.

Dale Luke s’occupe du développement de l’OS, Carl Sassenrath conçoit le system multi-taches, RJ Mical développe « Intuition » (la partie graphique de ce qui deviendra le Workbench) et, enfin, Jay Miner se concentre sur la partie hardware, l’affichage en mode HAM, le Blitter (une idée de Ron Nicholson) et, surtout, sur les customs chips. (Amiga Museum)

Le salon CES de janvier 1984 a été une période passionnante et épuisante pour les ingénieurs Amiga. Amiga a loué un petit stand dans le hall ouest du CES, avec un espace clos derrière l'exposition publique pour présenter son "arme secrète", l'ordinateur Lorraine.
RJ Mical

Ce qui frappe le plus les visiteurs est que la balle qui mesurait 140 x 100 pixels rebondit et réagit avec l'environnement. Elle rebondit sur les murs en tournoyant avec une fluidité hypnotisante... les invités triés sur le volet (ingénieurs et journalistes spécialisés) sont alors complètement éblouis par la démonstration des capacités hardware du Lorraine, prototype de l'Amiga 1000,  qui surpassaient alors tous les systèmes de l’époque.

S'il n'y avait ne serait-ce qu'une chose à voir durant ce salon, c'était sans doute le premier aperçu d'un super micro-ordinateur, nommé Lorraine et conçu par Amiga. Il n'y avait aucun signe de la présence de cette machine sur le stand Amiga. Mais j'ai pu être invité à entrer dans la pièce secrète à l'arrière du stand... et j'en suis resté bouche bée. En ce qui me concerne, la démonstration du Lorraine était une raison suffisante pour faire le voyage jusqu'à Las Vegas. 
John Anderson, Creative Computing - avril 1984

La démo Boing Ball laisse entrevoir un ordinateur qui dispose des plus incroyables sons et graphismes qu'une machine dédiée à l'informatique familiale peut offrir. Malgré un matériel basé sur le processeur Motorola 68000, un port cartouche pour ROM, un lecteur de disquette 5"1/4 et 128 ko de mémoire, le public est très circonspect.

Il faut dire qu'à cette époque,  Amiga doit dépasser une réputation considérablement ternie par la Joyboard, un accessoire en forme de pèse-personne compatible avec la console de jeux vidéo Atari 2600. Et il en faut beaucoup plus que les images en 4096 couleurs, la définition graphique atteignant les 640x400, la mémoire extensible à 8 Mo pour dissocier la jeune pousse Californienne de l'image désastreuse d'Atari...

La petite astuce de cette démo résidait dans le fait que, pour avoir le rendu d'une balle en 3 dimensions ombrée, et qui rebondit verticalement, le programme simule un effet (cyclage de palette) plutôt qu'elle ne le crée avec une puissance de traitement pure.

Lorsqu'en juin 1984 une autre présentation est faite au CES de Chicago, c'est cette fois-ci armé de puces sur des circuits intégrés à la carte mère. Outre la présentation d'un programme de synthèse vocale qui permet aux privilégiés d'entendre la machine parler, une deuxième version de la démo Boing Ball est également proposée : cette fois-ci, la sphère rouge et blanche peut rebondir dans toutes les directions en émettant un son lorsqu'elle touche un bord de l'écran. Bluffant, certaines personnes se demandent même si un éventuel ordinateur plus performant n'est pas dissimulé sous la table !

Des témoins rapportent que, au début de la démonstration,  Dale Luck et RJ Mical ne montrèrent que le bureau de l'Amiga, fenêtre glissée et redimensionnée, dévoilant ainsi les éditeurs de texte, les horloges, le shell et tout les éléments du workbench. Pendant tout ce temps, vous pouviez entendre le son émis par le rebond de la Boing Ball, mais sans la voir. Forcément, un spectateur demanda au cours de la démonstration : "quel est ce bruit que l'on entend ?". On fit glisser alors la fenètre du bureau pour révéler la fameuse démo. Effet de surprise garanti !

Malgré l'intérêt considérable naissant autour du matériel, les salons de 1984 n'aboutiront à aucun résultat pour Amiga. La marque sera par la suite achetée par la société Commodore Business Machines et, un peu à la manière de la pomme pour Apple, la Boing Ball s'imposera logiquement comme l'emblème officieuse des machines Amiga de Commodore (même si cette démonstration sera reprise par la suite en 1985 sur l'Atari ST...).

Pendant un certain temps, Commodore a donc cultivé l'intention de l'utiliser comme symbole officiel, envisageant même un logo métallique pour le boîtier de l'A1000 (lecteurs de disquettes et moniteurs Amiga).

Cependant, Commodore décide d'ignorer la Boing Ball et de la remplacer par la non moins célèbre encoche arc-en-ciel. Selon Ryan Czerwinski, "les imbéciles du marketing CBM ont décidé d’utiliser un logo multicolore, afin de représenter le nombre de couleurs que l’Amiga pouvait afficher, par opposition au logo multicolore d’Apple de l’époque"

...à la philosophie de l'Amiga

Heureusement, l'ancien design n'est jamais tombé dans les limbes et reste dans l'inconscient collectif la preuve de ce que la machine est réellement capable. Après la liquidation de Commodore, la Boing Ball redevient le symbole de la philosophie de l'Amiga avant qu'elle ne soit travestie par le constructeur américain.

Dans les années 2000, internet favorise la mise en relation entre les fans et les fondateurs. Des personnalités telles que Carl Sassenrath (l'architecte du système d'exploitation AmigaOS) et Dave Haynie (ingénieur en chef) sont alors sollicitées par les Amiga Fans pour partager leur vision originelle... du coup, lorsque Gateway devient acquéreur, l'entreprise souhaite redonner une orientation plus authentique à l'Amiga : on s'inspire alors du glorieux passé de la machine, et on revient à cette satanée Boing Ball qui n'avait jamais cessé de rebondir. Elle arrive sur le tard a être le logo officiel de la machine et pour l'occasion,  la balle bénéficie d'un rendu 3D et d'un reflet de lumière.

On se souviendra d'ailleurs au passage des Kefrens, Spaceballs ou Red Sector Inc qui prolongèrent ce mouvement, autant de demomakers qui se revendiquèrent de cet esprit et qui contribuèrent au succès de l'Amiga 500 ou l'Amiga 1200.

En effet, la scène des demomakers faisait indirectement la promotion des capacités techniques de leur machine en tirant le meilleur d'elles-mêmes. Les revendeurs n'étaient pas rares à utiliser ces démos et les clients étaient très vite séduits par ces merveilles... (voir ici la très bonne vidéo de l'ami Gunhed TV)

Aujourd'hui, la communauté Amiga est beaucoup plus restreinte que du temps de sa gloire, mais elle est aussi proportionnellement plus soudée autour de ce symbole et plus attachée que jamais à ses racines

Cette Boing Ball n'est donc pas sur le point de se dégonfler, et avec elle, cette question existentielle qui me hantera jusqu'à la fin de mes jours : cette balle est-elle blanche à carreaux rouges ou rouge à carreaux blancs ?

source
http://obligement.free.fr/articles/lorraine.php
David Brunet - avril 2007
http://obligement.free.fr/articles/amiga_histoire_1984.php
David Brunet - avril 2008

merci à professeur Visa pour la relecture et merci au groupe Amiga (only) pour toujours and beyond pour les sympathiques retours !

Le Lorraine - le prototype de l'Amiga 1000
Année de création : 4 janvier 1984 (présenté au CES de Las Vegas)
Microprocesseur : MC68000 à 7.16 Mhz
128 ko de mémoire, extensible à 512 ko en interne et 8 Mo en externe.
ROM de 64 ko (chargement de la ROM par disquette).
Coprocesseur Portia pour gérer les ports et le son : quatre canaux stéréo sur sept octaves.
Coprocesseur Agnus (Agnes) pour gérer les canaux DMA et l'adressage de la mémoire.
Coprocesseur Daphné pour gérer le graphisme : palette 4096 couleurs, résolution maximale de 640x400 (NTSC).
Lecteur de disquette 5"1/4 incorporé. Format compatible IBM 320 ko.
Possibilité de brancher un second lecteur de disquette (à partir de l'alimentation interne).
Modem 300 bps incorporé. Remplaçable par un modem 1200 bps.
Port "cartouche" (pour logiciel en ROM ou pour une carte processeur 8088).
Port d'extension en "cheminée", ancêtre du port Zorro (pour ajouter un disque dur ou de la mémoire supplémentaire).
Port clavier.
Port série.
Port parallèle.
Sortie vidéo composite.
Sortie TV.
Sortie RGB.
Sortie audio stéréo gauche et droite (jack RCA)