Espace Culture - Université de Lille, Sciences et Technologies Cité Scientifique Villeneuve-d'Ascq 59655 Villeneuve-d'Ascq

le Mardi 7 mars 2017

Conférence - Genre et jeux vidéo

Par Fanny Lignon, Maître de conférences cinéma audiovisuel à l’Université Claude Bernard Lyon 1. 
Répondant : Florence Tamagne, Maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université Lille 3.

Rendez-vous d'Archimède, cycle Jouer : entre plaisir et utilité

Fanny Lignon

Fanny Lignon est maîtresse de conférences en études cinématographiques et audiovisuelles à l'université Lyon I - Espe. Membre de l'équipe Arias du laboratoire Thalim, elle est spécialiste d'Erich von Stroheim. Elle poursuit également des recherches, depuis plus de dix ans, sur les représentations du masculin et du féminin dans les images et notamment dans les jeux vidéo.

Genre et Jeux vidéo

Son ouvrage (disponible sur AmazonGenre et jeux vidéo est disponible aux Presses Universitaires du Midi

Nés dans les années 1960, les jeux vidéo ont accédé, en quelques décennies, au rang de phénomène économique et culturel majeur. Pourtant, sur le plan scientifique, ils ne sont étudiés, en France, que depuis une dizaine d'années. La plupart des chercheur.e.s qui s'y intéressent sont jeunes. Tous et toutes ont choisi, alors même que le jeu vidéo a tout juste droit de cité dans les facultés, d'en faire leur objet d'étude. Formé.e.s par l'université en philosophie, sociologie, sciences de l'éducation, sciences de l'information et de la communication, études cinématographiques et audiovisuelles, ces étudiant.e.s ont grandi avec ce médium, sans a priori à son égard. Ainsi, l'ensemble des travaux produits se caractérise par une pluridisciplinarité qui favorise la coexistence, dans la diversité, des points de vue et des éclairages. Bernard Perron et Mark J. P. Wolf le soulignaient déjà en 2009 dans leur ouvrage The Video Game Theory Reader 2, en dressant une liste de disciplines susceptibles d'interroger avec profit les jeux vidéo. Dans le désordre, ils citaient, entre autres, les sciences de l'informatique, l'économie, la psychologie, l'histoire, l'ethnologie, les études culturelles... et les études de genre. Ainsi note-t-on que, même lorsque les champs académiques sont structurés de façon différente, la pluralité des approches est plébiscitée, comme si l'objet jeu vidéo induisait la variété des regards, comme si son étude commandait l'émergence d'un renouveau dans les modalités de construction des savoirs.

Les contributions réunies dans cet ouvrage sont l'oeuvre, pour partie, de pionnier.e.s, qui ont réussi, dans un cadre parfois contraint, à construire une réflexion sur l'objet qu'ils souhaitaient interroger. Leurs travaux ont ouvert la voie et font école. Ces recherches, si elles sont relativement bien acceptées, n'en sont pas moins considérées avec une certaine condescendance. En effet, les productions de l'industrie vidéoludique sont habituellement considérées comme relevant de la culture populaire. Ce classement commode, qui permet de les opposer à d'autres objets considérés comme plus nobles, cache mal un certain mépris, mais ouvre cependant la voie à un début de légitimation, à l'image des séries télévisées qui ont acquis, en quelques années seulement, une forme de reconnaissance universitaire. Certes, la non-hiérarchisation des objets culturels dans la pensée scientifique n'est pas encore pour demain, mais il semble que le processus soit amorcé. Ainsi donc, il apparaît que l'objet jeux vidéo, pour être appréhendé dans toute sa richesse, a tout à gagner à être abordé par des auteur.e.s multiples et issu.e.s de disciplines et d'horizons culturels variés. Telle est en tous cas la logique qui a présidé à la constitution de cet ouvrage.

Les études de genre traversent aujourd'hui l'ensemble des disciplines des sciences humaines et sociales et s'intéressent à tous les phénomènes, à tous les objets. Le genre est une approche, une catégorie d'analyse. Pour les contributions de cet ouvrage, nous retiendrons deux définitions qui nous paraissent particulièrement pertinentes pour peu que l'on souhaite interroger les images, leur création, leur diffusion, leur réception : la plus couramment admise consiste à considérer que le genre est la construction sociale du masculin et du féminin couplée aux rapports hiérarchiques et de pouvoir ; nous lui adjoindrons celle avancée par Béréni, Chauvin, Jaunait et Revillard précisant qu'il s'agit d'un "système de bi-catégorisation hiérarchisée entre les sexes (hommes/femmes) et entre les valeurs et représentations qui leur sont associées (masculin/ féminin)".