
L'initiative Stop Killing Games explore une nouvelle voie pour protéger les jeux en ligne en cherchant à s'intégrer dans le futur Digital Fairness Act européen, actuellement en consultation publique.
Après avoir franchi le cap symbolique du million de signatures nécessaires pour déclencher une procédure d'Initiative Citoyenne Européenne, le mouvement Stop Killing Games explore désormais une stratégie parallèle. Le mouvement plaide pour l'inclusion de la protection des jeux vidéo dans le Digital Fairness Act, un projet de loi européen plus large actuellement ouvert aux commentaires publics.
Une stratégie en deux temps
L'initiative menée par Ross Scott du YouTube Accursed Farms poursuit son combat sur plusieurs fronts. Début juillet 2025, l'initiative Stop Destroying Videogames a franchi le seuil du million de signatures requis pour être recevable, atteignant plus de 1,2 million de signataires à travers l'Union européenne. Cette pétition citoyenne vise à contraindre les éditeurs à maintenir leurs jeux en état de fonctionnement après l'arrêt du support officiel.
Parallèlement, les organisateurs tentent une approche différente en s'appuyant sur le Digital Fairness Act. La Commission européenne consulte actuellement sur ce projet de loi qui vise à renforcer la protection et l'équité numérique pour les consommateurs, tout en assurant des règles équitables pour les entreprises dans l'UE. Cette consultation publique reste ouverte jusqu'au 9 octobre 2025.
Le Digital Fairness Act : un cadre plus large
Le Digital Fairness Act traite des pratiques commerciales manipulatrices et contraires à l'éthique comme l'utilisation généralisée de dark patterns. Il abordera le marketing d'influence, les conceptions addictives, la tarification personnalisée selon le suivi et le profilage, la monnaie des jeux vidéo, et d'autres défis pour les consommateurs.
Ce projet de loi européen s'attaque notamment aux pratiques problématiques dans l'industrie du jeu vidéo. Des préoccupations ont également surgi avec des produits spécifiques tels que les jeux vidéo qui impliquent de plus en plus la vente d'objets virtuels, y compris des récompenses basées sur l'incertitude (par exemple les loot boxes), et l'utilisation de monnaies virtuelles intermédiaires dans les applications.
Un terrain d'entente possible
Le prochain Digital Fairness Act examinera spécifiquement "les jeux vidéo en particulier en relation avec les jeunes" et abordera "les caractéristiques similaires au jeu dans les jeux vidéo". Cette orientation pourrait offrir une ouverture pour intégrer les préoccupations de Stop Killing Games concernant la préservation des jeux.
Les enjeux juridiques complexes
L'intégration de Stop Killing Games dans le Digital Fairness Act soulève des questions juridiques complexes. Ce que SKG demande n'est pas de la protection des consommateurs - c'est une réécriture fondamentale du droit de la propriété intellectuelle, du droit des contrats, et de toute la hiérarchie juridique qui régit le commerce numérique.
Les critiques soulignent que l'initiative se heurte aux directives européennes existantes. L'UE fonctionne sous la Directive sur la société de l'information (2001/29/CE), qui fournit une liste exhaustive d'exceptions au droit d'auteur plutôt que la doctrine ouverte du fair use employée par les États-Unis.
L'opposition de l'industrie
L'industrie du jeu vidéo européenne s'oppose fermement à ces propositions. Le Video Games Europe (VGE) - association professionnelle qui représente les principaux éditeurs et studios en Europe (Nintendo, EA, Ubisoft, Sony, etc.) - a publié le 4 juillet dernier un mémo officiel détaillant son opposition à l'ICE Stop Killing Games.
Le groupe argue que les joueurs "reçoivent un préavis équitable des changements prospectifs", conformément aux lois sur la consommation. Si la pétition devenait loi, Video Games Europe estime qu'elle donnerait aux entreprises des problèmes d'ingénierie "significatifs", saperait leur capacité à développer de nouveaux jeux, et pourrait "éroder" les droits de propriété intellectuelle.
Des précédents encourageants
Malgré l'opposition, certains éditeurs ont déjà adapté leurs pratiques. Après de sévères réactions des joueurs, alimentées en partie par l'initiative lancée par Stop Killing Games, selon PC Gamer, Ubisoft a promis d'ajouter un mode hors ligne à The Crew 2 et The Crew Motorfest, bien que The Crew discontinué ne soit pas mentionné.
En avril 2025, Ubisoft a publié une vidéo de mise à jour sur le mode hors ligne à venir pour The Crew 2, déclarant que toutes les fonctionnalités ne seront pas disponibles hors ligne et que les tests du mode commenceront le 30 avril.
Une double approche stratégique
L'approche du Digital Fairness Act offre une alternative potentiellement plus pragmatique que l'Initiative Citoyenne Européenne. Alors que cette dernière nécessite un processus de validation complexe et n'oblige pas la Commission à légiférer, le Digital Fairness Act est déjà en préparation avec un calendrier défini pour 2026.
L'initiative obtient le soutien d'organisations citoyennes européennes et est perçue comme une chance sérieuse d'imposer une législation contre la mise hors ligne prématurée des jeux en ligne uniquement ou live service pour lesquels les joueurs ont déjà payé.
La stratégie duale de Stop Killing Games - combinant Initiative Citoyenne Européenne et lobbying pour l'intégration dans le Digital Fairness Act - illustre la détermination du mouvement à obtenir une protection juridique pour les consommateurs de jeux vidéo. Reste à voir si cette approche multi-facettes parviendra à surmonter les obstacles juridiques et l'opposition industrielle pour transformer le paysage de la préservation numérique des jeux.
Sources : GameLiner, Digital Fairness Act, Influencia, Daniel's Blog, Wikipedia, Euronews
Tags : Stop Killing Games - Digital Fairness Act