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James Pond de retour en 2025 avec une campagne marketing IA controversée

Gameware Europe annonce James Pond: Rogue AI pour fin 2025, mais la campagne marketing utilisant l'IA divise les fans nostalgiques de la série.
publié le 30 juillet 2025 mis à jour le 1er août 2025
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Gameware Europe annonce officiellement le retour de l'agent secret aquatique James Pond avec James Pond: Rogue AI, mais la stratégie promotionnelle utilisant l'intelligence artificielle divise déjà la communauté nostalgique de cette série emblématique des années 90.

Le nouveau titre, dont l'intitulé Rogue AI ne manque pas d'ironie au regard de la polémique actuelle, a été dévoilé le 10 juillet sur les plateformes YouTube et Facebook de l'éditeur. La sortie est programmée pour le quatrième trimestre 2025 sur PC, iOS et Android. Cette renaissance intervient sans la participation de Chris Sorrell, concepteur original des trois premiers épisodes de la franchise et figure emblématique du développement indépendant britannique des années 90.

Des mécaniques familières dans un nouveau contexte

Les premières séquences de gameplay révèlent des mécaniques d'étirement et de vol rappelant James Pond: Codename Robocod, le deuxième opus largement considéré comme le summum de la série. L'agent aquatique dispose également de nouvelles possibilités, notamment l'utilisation d'auto-tamponneuses permettant de naviguer différemment dans les niveaux. Ces éléments suggèrent une volonté de préserver l'ADN ludique qui avait fait le succès de la franchise sur Commodore Amiga, Atari ST et Sega Mega Drive.

"Il n'y aura pas d'IA impliquée dans la création de ce jeu !", a précisé Gameware Europe sur sa page Facebook, tentant de rassurer les joueurs inquiets de voir l'intelligence artificielle s'immiscer également dans le développement.

Une promotion qui fait des vagues

La controverse porte principalement sur l'utilisation d'animations générées par intelligence artificielle pour promouvoir le jeu. Ces contenus promotionnels, qualifiés d'"AI Slop" par certains commentateurs, entretiennent peu ou pas de lien avec l'univers original des jeux. Cette approche marketing interroge d'autant plus qu'elle contraste avec l'authenticité artisanale qui caractérisait les productions de Chris Sorrell dans les années 90.

L'inquiétude des fans trouve ses racines dans l'historique récent de la licence. En 2011, James Pond in the Deathly Shallows avait reçu la note catastrophique de 1/10 de la part du site Destructoid, qui l'avait qualifié de "perte de temps inutile" et accusé de détournement frauduleux du nom James Pond pour tromper les fans.

Un héritage contrasté

La série James Pond, créée par Chris Sorrell alors âgé de seulement 18 ans, avait marqué l'âge d'or du jeu de plateforme européen. Le premier épisode, Underwater Agent (1990), développé quasi intégralement par Sorrell sur Amiga, avait été conçu en sept mois seulement. Codename Robocod (1991), réalisé en neuf mois, avait connu un succès critique et commercial retentissant, recevant de nombreuses critiques élogieuses et étant porté sur pratiquement toutes les consoles de l'époque.

Cette réussite avait valu à Chris Sorrell de devenir par la suite directeur créatif de MediEvil chez Sony Cambridge, confirmant son talent pour créer des personnages attachants et des univers distinctifs. Sa carrière l'a également mené à travailler sur des productions comme Prototype et le jeu vidéo adapté de la série 24.

Une tentative de renaissance légitime avait été initiée en 2013 via Kickstarter par Gameware Europe et Chris Sorrell lui-même. Cependant, la campagne n'avait réuni que 16 000 livres sterling sur les 100 000 nécessaires, témoignant de la difficulté à mobiliser une base de fans suffisante après deux décennies d'absence.

Chris Sorrell se désolidarise violemment du projet

La controverse prend une tournure encore plus dramatique avec la réaction du créateur original Chris Sorrell, qui n'a pas mâché ses mots dans une interview exclusive accordée à Time Extension. Loin de toute diplomatie, le développeur britannique exprime une colère profonde envers Gameware Europe et se désolidarise totalement du nouveau projet.

"Je déteste presque tout ce qu'ils font avec force", déclare sans détour Sorrell, qui va jusqu'à qualifier Gameware de "entreprise de charognards". Cette virulence trouve ses racines dans la campagne Kickstarter ratée de 2013, où le créateur estime avoir été dupé : "ils m'ont piégé pour faire partie de leur campagne Kickstarter chaotique il y a toutes ces années, et j'ai stupidement permis que mon nom soit associé à leur entreprise de charognards".

Une dégradation de l'image de la licence

Sorrell va plus loin en révélant qu'il a volontairement pris ses distances avec sa propre création : "Franchement, j'ai l'impression que le nom James Pond a été tellement dégradé par Gameware que je veux seulement m'en distancer ; j'ai poliment décliné toutes les demandes d'interview sur JP depuis quelques années". Cette déclaration illustre l'ampleur du fossé qui sépare désormais le créateur de son œuvre.

Le concepteur original pointe du doigt l'incohérence artistique du projet, notant que "la représentation de James Pond par Gameware est complètement incohérente". Il observe avec amertume que les différentes images promotionnelles du personnage "ressemblaient toutes complètement différentes. Certaines plus comme des grenouilles, d'autres qui me rappelaient quelque chose de Futurama", aucune ne correspondant à sa vision originale.

Une critique acerbe de l'industrie moderne

Au-delà du cas spécifique de James Pond, Sorrell livre une réflexion amère sur l'évolution de l'industrie vidéoludique. Il déplore que le projet ne soit qu'"encore un autre réchauffé d'un jeu vieux de 34 ans qui fait que 30 ans de progrès technologique semblent n'avoir jamais existé". L'utilisation de l'IA générative pour la promotion constitue pour lui le symbole de cette dérive : "le fait qu'ils la promeuvent avec des conneries générées par IA paresseuses - eh bien, quoi de plus représentatif ?"

La situation est d'autant plus cruelle que les droits de James Pond sont partagés entre Gameware Europe et System 3, cette dernière société étant également critiquée pour son usage extensif de l'IA générative. "Comme si toute la situation ne pouvait pas être plus triste", commente Sorrell, "qu'il y ait deux entreprises qui se battent pour ces restes tièdes défie l'entendement !"

Le créateur conclut sur une note d'excuse envers les fans : "Je suis vraiment désolé pour les fans des originaux que leurs souvenirs d'enfance continuent d'être exhumés dans la poursuite d'un profit dérisoire". Cette déclaration résume parfaitement le sentiment d'impuissance d'un créateur face à l'exploitation commerciale de son œuvre.

 

Perspectives et interrogations

Outre Rogue AI, Gameware Europe évoque d'"autres surprises" pour les fans cette année, vraisemblablement en référence au jeu navigateur James Pond A Bit of A Stretch également listé sur leur site web. Cette multiplication des projets, couplée à l'utilisation persistante de contenus générés par IA pour leur promotion, soulève des questions sur la stratégie à long terme de l'éditeur.

L'absence de Chris Sorrell dans ce nouveau projet prive la série de sa vision artistique originale, celle qui avait su créer un univers cohérent mêlant parodie de James Bond et mécaniques de jeu innovantes pour l'époque. Reste à savoir si Gameware Europe parviendra à recréer la magie qui avait fait de James Pond une alternative crédible aux mascottes dominantes des années 90.

La réception de James Pond: Rogue AI constituera un test décisif pour l'avenir de cette licence nostalgique dans un paysage vidéoludique contemporain où les renaissances de franchises rétro se multiplient avec des fortunes diverses.

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Sources : Time Extension, Sega-16, Codetapper's Amiga Site, HEXUS

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