Episode VII (Bonus) - Lankhor.net : diplômes en jeux

BONUS - En 2021, il est peut-être enfin temps de sonner l’heure du bilan, de se retourner vers un passé plus personnel entre passion vidéoludique dévorante et contraintes professionnelles. Quels souvenirs d’une vie placée sous le signe de l’informatique et des jeux vidéo ? Quel impact sur la vie personnelle ? Le jeu-vidéo a-t-il eu une influence sur le parcours d’une vie ? Quelle charge mentale pour conserver matériel et archives ? Frédéric LETELLIER webmaster de Lankhor.net nous livre quelques-uns de ses secrets...
publié le 19 mai 2021 mis à jour le 17 septembre 2021
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As-tu rêvé d’acquérir certaines machines ou jeux mais sans succès ?

Globalement, j'étais satisfait de ce que j'avais comme matériel et comme jeux vidéo. J’ai tout de même regretté d'être privé de certains jeux sur mon PC (je n'avais par exemple pas accès au catalogue de jeux Nintendo). Certains jeux étaient très mauvais sur PC. Par exemple, j'étais un grand fan de Street Fighter 2 mais la version PC était mauvaise et n'était pas pratique à jouer au clavier.

Les jeux que j'apprécie le plus sont les jeux de stratégie et d'aventure. Il y en avait de très bons sur PC. J'ai donc pu avoir quelques regrets mais vraiment rien de traumatisant

As-tu des souvenirs marquants lors d’anniversaires ou de fêtes de Noël ?

Dans ma famille, c'étaient des cadeaux traditionnels qui étaient donnés. Dans mon cas, Noël et mon anniversaire étaient parfois fusionnés car je suis du tout début du mois de janvier. Je ne recevais habituellement rien en lien avec les jeux-vidéo.

Ma grand-mère s'était tout de même essayée à m'offrir le jeu vidéo Targhan (de Silmarils) pour mes 10 ans. Le problème était que, plutôt que m’interroger sur ce que j'aimais comme jeux vidéo, elle a laissé le vendeur choisir pour elle. Targhan n'est pas particulièrement un mauvais jeu d'action, mais ce n'était pas trop le genre de jeu que j'aimais. A partir de l'adolescence, ce fut mieux car je recevais de l'argent, ce qui me permettait de m'acheter ce qui me faisait plaisir.

As-tu conservé ton matériel et tes logiciels de l’époque ?

Je n'ai jamais été un grand collectionneur. Il m'est arrivé de faire quelques collections (je possédais par exemple tous les chevaliers d'or de Saint Seiya) mais rien d'excessif. De 1983 à 2014, j'ai vécu dans un 3 pièces de 50 m² à Paris et même si j'avais eu envie de collectionner des machines informatiques, cela n'aurait pas été possible à cause de la superficie insuffisante du logement.

A l'exception des jeux Lankhor, je ne me suis jamais lancé dans une collection de jeux-vidéo. En revanche, je n'aime pas jeter et j'ai donc tendance à conserver les objets. Cela fait que j'avais conservé pendant de longues années un nombre conséquent de magazines concernant les jeux-vidéo, les boites de jeux, les disquettes, les manuels, les goodies, etc.

J'ai travaillé pendant 1 an dans le service informatique du Premier Ministre. Une chose qui a été très difficile pour moi, c'est que j'ai dû jeter beaucoup de matériel. Il y avait tout d'abord le matériel récent et fonctionnel mais avec un défaut (par exemple une tâche) ce qui faisait qu'il n'était pas possible de le donner à un salarié. Il y avait aussi tout le matériel dépassé (par exemple un ouvrage neuf consacré à Microsoft Office 97 mais qui était installé en version supérieure). Mon responsable m'avait expliqué que du matériel qui n’est pas utilisé est inutile. L’espace de stockage était limité et donc il n'y avait pas de choix possible. Cela m'a fait voir les choses un peu différemment et cela m'a aidé à faire le tri dans mes affaires.

Mon amie est venue vivre avec moi peu de temps après la fin de mes services auprès du Premier Ministre et nous avons eu deux enfants. Elle est venue s'installer dans mon logement parisien (le 3 pièces de 50 m²) avec de nombreuses affaires et j'ai dû faire de la place pour elle en me séparant de diverses choses. Aujourd'hui, je possède encore quelques souvenirs mais c'est très peu comparé à ce que j'ai pu avoir.

Chose qui surprend parfois les gens, c'est que mon amie est davantage gameuse que moi et elle possède une très belle collection de machines (micros et consoles) ainsi que de nombreux jeux-vidéo. Le fait qu'elle possède une maison à la campagne facilite ce genre de collection.

Regroupement d’une partie de la collection de Frédéric LETTELLIER (2020)

Comment va vieillir ta petite collection ?

Ce n'est pas un problème pour moi si mes disquettes ou objets devaient vieillir car je n'en ai pas réellement l'utilité (je ne me servirai probablement plus jamais de mes disquettes) mais je n'ai pas l'intention de vendre ces objets.

Pour prendre un exemple, comme je conserve de très bons souvenirs du jeu Monkey Island (Lucasfilm Games) j'ai fait le choix de conserver la roue qui servait pour la protection du jeu.

Le fait de revoir ces objets me permet de me rappeler de très bons souvenirs liés aux heures de jeux. Même si mes objets vieillissent ou se dégradent cela sera sans importance pour moi.

Je précise qu’il est important pour moi que les objets que je conserve soient ceux que je possédais à l’époque. Pour reprendre l'exemple de la roue de Monkey Island, elle a de la valeur pour moi car c'est celle que je manipulais petit. Si on me proposait de l'échanger contre une autre, même parfaitement conservée, je ne serais pas intéressé.

En repensant à la création de Lankhor.net en l’an 2000, penses-tu que tu faisais déjà du retrogaming ?

Lankhor.net est aujourd'hui rétro mais il ne l'était que partiellement à son commencement. Le site était consacré à la société Lankhor qui était encore en l'an 2000 développeur après avoir été pendant longtemps éditeur. Seule la partie consacrée aux anciens jeux édités par Lankhor pouvait être considérée comme rétro.

Te sens-tu proche de la mouvance retrogaming actuelle ?

Par manque de temps, je me suis un peu éloigné de la communauté retrogaming mais je reste abonné à certains groupes de discussion, ce qui me permet de me tenir un peu informé. Je regarde aussi les actus sur des sites tels que MO5 ou ROM GAME. J'apprécie de lire les analyses d'anciens jeux auxquels j'ai joué et parfois apprendre de nouvelles choses. J'ai aussi beaucoup d'admiration et d'intérêt pour ceux qui en analysant les fichiers des jeux découvrent parfois de nouveaux éléments qui avaient été pensés et créés pour le jeu mais qui ont finalement été coupés de la version finale.

Dans quel espace de la maison était située ta machine de jeu lorsque tu étais enfant ? Cet espace était-il au calme et confortable ?

Quand j'étais enfant, l'ordinateur se trouvait dans le salon. Il s'agissait de l'ordinateur de ma mère (elle était professeur et rédigeait ses cours sur l'ordinateur). Comme il servait pour nous deux, il était plus simple qu'il soit localisé dans le salon. C'est le fait que cet ordinateur soit avant tout destiné au travail de ma mère qui explique qu'il était dépourvu de carte sonore. Pendant plusieurs années, j'ai joué dans le silence (c'est aussi ce qui explique que j'ai été impressionné par la synthèse vocale du Manoir de Mortevielle).

Espace informatique du salon (2002)

Mes parents se sont séparés quand j'avais 3 ans et ils se sont partagés les enfants (mon frère est parti avec mon père et moi avec ma mère). Comme j’habitais uniquement avec ma mère, j'ai toujours vécu dans une ambiance particulièrement calme. Les conditions pour utiliser l'ordinateur étaient vraiment très bonnes. Ma mère ayant tout comme moi un usage assez conséquent de l'ordinateur, il a finalement été décidé que nous aurions chacun notre ordinateur.

C’est alors qu’en 1996, j'ai eu mon premier modem 28.800 b/s, ce qui m'a permis de découvrir les joies d'Internet mais ma mère était mécontente car je bloquais la ligne téléphonique. De mon côté, je possédais une prise téléphonique dans ma chambre qui me servait pour rester en relation avec les membres de ma famille côté paternel. Ensuite j'ai installé un coin informatique dans ma chambre qui me servait uniquement quand j'avais besoin d'utiliser le modem. Pour les autres usages, je continuais à utiliser l’ordinateur du salon. Cette période a été courte car je suis rapidement passé sur le câble, puis sur l'ADSL (j'avais le modem ADSL « SpeedTouch » de Wanadoo qui ressemblait à une Raie Manta).

Installation informatique dans la chambre de Fréderic LETELLIER (1998)

L'appartement était d'une taille très correcte pour 2 personnes, ce qui avait permis de faire une installation informatique confortable. J'ai cependant dû passer à une installation plus raisonnable avec l'arrivée de mon amie et de mes enfants car il fallait économiser l'espace. Après 31 ans dans ce même logement, nous sommes partis en 2014. Sans la moindre hésitation, j'ai alors refait un coin informatique dans mon nouveau salon. En 2021, les machines ont été renouvelées au même emplacement.

Comment ta famille percevait ta relation avec le jeu-vidéo et l’informatique ?

Mon père est parti avec mon grand frère quand j'avais 3 ans et donc ils ne savaient pas trop ce que je faisais. Concernant ma mère, elle me laissait une très grande liberté. Je pense que cela devait l'arranger que je puisse m'occuper tout seul.

Aujourd'hui, j'ai tendance à reproduire un peu le même modèle avec mes enfants. Je les laisse passer beaucoup de temps sur l'ordinateur. Là où je suis beaucoup plus sévère que ma mère, c'est sur les horaires. En effet, j'ai eu tendance dès l'adolescence à me coucher assez tard. Même aujourd'hui, c'est rare que je sois couché avant 1h du matin et je ne voudrais pas que mes enfants suivent mon exemple.

Comme ma mère me laissait une grande liberté dans mes activités, c'était à moi de me restreindre. Je me souviens qu'en 1997, le jeu de rôle en ligne massivement multijoueur Ultima Online me faisait très envie mais j'ai volontairement fait l'impasse dessus car je craignais d'y consacrer un temps excessif.

La petite famille de Frédéric LETELLIER dans le salon (Juin 2014)

As-tu toujours réussi le compromis entre études scolaires et jeu-vidéo / informatique ?

Mon parcours scolaire est relativement bon puisque j'ai eu mon DEA (équivalent au Master 2 actuel) sans avoir redoublé. Je suppose que c'est aussi parce que mon parcours scolaire se passait sans difficulté particulière que ma mère me laissait tranquille.

Il est certain que si j'avais consacré plus de temps à mes études, j'aurais pu avoir de bien meilleurs résultats mais ma personnalité fait que je n'ai pas un fort esprit de compétition et je ne recherche pas à être le meilleur.

Penses-tu que le jeu-vidéo / informatique as eu un influence (positive ou négative) sur ton parcours ?

Après la fin de mes études, j'ai cherché du travail mais comme mon CV était plutôt mince (compte tenu que je n'avais aucune expérience professionnelle) j'avais fait un chapitre sur mes loisirs en indiquant que j'aimais les jeux-vidéo et que j'avais réalisé le site Internet Lankhor.net. Le responsable du service informatique m'avait indiqué que cela avait joué un rôle décisif dans la décision de me recruter.

Frédéric LETELLIER de passage au CERN (2018)

Aujourd’hui comment perçois-tu ton parcours personnel et professionnel ?

J'ai eu la chance de faire les études que je souhaitais et j'ai aujourd'hui un emploi qui me plaît et qui me permet de subvenir à mes besoins (je suis ingénieur - fonctionnaire catégorie A - au CNRS dans un laboratoire de physique des particules). Avec le recul, j'ai probablement fait des choix peu judicieux (comme le fait de décliner une proposition de financement de thèse) qui m'auraient permis de mieux réussir. Cependant, je pense qu'il serait malvenu de ma part de me plaindre de mon parcours qui est globalement plutôt satisfaisant.

THE END

Série d'interviews réalisée par Yvan DOYEUX pour ROM GAME (Eté 2020)
https://www.lankhor.net

Merci à Frédéric LETELLIER pour le temps consacré à cette série d'interviews. Photos publiées avec l'aimable autorisation de Frédéric LETELLIER et Yvan DOYEUX