Worldbuilding - Jeux vidéo et art à l'ère digitale
En 2022, notre planète comptait 3, 03 milliards de gamers c’est plus du tiers de ses habitants. Comme l’affirme Hans-Ulrich Obrist, ce hobby est devenu « le plus grand phénomène de masse de notre époque. Nombreux sont ceux qui passent des heures chaque jour dans un monde parallèle et vivent une multitude de vies différentes. Les jeux vidéo sont au XXI siècle ce que les films étaient au XXeme et les romans au XIX ». Il y a près d’un siècle, dans son ouvrage intitulé Homo Ludens, l’historien Johan Huizinga lançait l’idée que le jeu est un moteur fondamental de l’humanité. Le jeu est, selon lui, la source de la culture, car il permet de rassembler des personnes selon de nouveaux usages.
Plus récemment, dans son livre Games: Agency as Art, C. Thi Nguyen précise que les jeux, et en particulier les jeux vidéo, sont un type d’art distinct qui « permet de vivre des formes d’action que nous n’aurions peut-être pas découvertes par nous-mêmes ». Le jeu est ainsi capable de déchainer de puissantes forces psychiques. C’est un fait établi : les jeux vidéo ont permis de mettre au point des formations et des stratégies. Les scientifiques ont en effet fait bon usage des jeux vidéo simulant des systèmes biologiques pour s’interroger sur les origines et l’avenir possibles de la vie. Les jeux vidéo, en tant que forme d’art numérique, sont une quête existentielle au-delà du monde physique incarné et dans le multivers. Par leur nature même, ils permettent d’imaginer et de créer de nouveaux mondes.
Plusieurs des artistes présentés ont commencé à réaliser des œuvres faisant référence aux jeux vidéo dès les années 1980, mais la plupart sont nés à cette époque. Pour cette exposition, les artistes ont abordé les jeux vidéo de différentes manières. Certains ont adapté leurs thèmes habituels et leur style visuel pour en faire des vidéos. D'autres ont modifié, piraté et subverti des jeux vidéo existants. Enfin, quelques-uns ont créé leurs propres jeux vidéo. Comme l’écrit Hans-Ulrich Obrist, « traditionnellement, les jeux vidéo étaient créés par un groupe restreint et fermé de personnes... produisant un contenu avec une perspective très limitée. Mais les tendances évoluant rapidement, les artistes ont eu de plus en plus la capacité technique de créer leurs propres mondes virtuels de diversité et d’inclusion ». Ainsi, les artistes poussent le format au-delà de sa valeur purement divertissante pour y impliquer des enjeux sociaux, politiques et esthétiques. Si les jeux vidéo ont fait l’objet de nombreuses expositions ces dernières années, la plupart d’entre elles ont mis en avant leur légitimité en tant que support artistique ou se sont concentrées sur certains aspects du « game art ».
Worldbuilding est la première exposition transgénérationnelle et internationale de cette envergure à étudier la façon dont les artistes contemporains s’approprient l’esthétique et la technologie des jeux comme forme d’expression. Ce faisant, cette exposition présente une pluralité de voix et une multitude de points de vue.