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Vectrex Mini sur Kickstarter : un carton et des questions

La campagne Kickstarter de la Vectrex Mini récolte 750 000 dollars en quelques jours. Derrière l'enthousiasme, analyse des forces et faiblesses de ce projet nostalgique porté par une équipe française.
publié le 7 novembre 2025
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Vectrex Mini sur Kickstarter : un carton qui interroge

Lancée le 3 novembre 2025, la campagne Kickstarter de la Vectrex Mini a atteint son objectif en moins de quinze minutes. Le projet a depuis levé plus de 749 000 dollars, dépassant largement l'objectif initial de 11 000 euros. Cette déferlante de soutien pour la résurrection d'une console disparue en 1984 mérite qu'on s'y attarde, au-delà de l'enthousiasme initial.

Développée par David "Flynn" Oghia et son équipe française Neo Retro, cette version miniaturisée propose une relecture moderne d'un ovni technologique des années 80. La Vectrex originale, commercialisée par General Consumer Electronics, se distinguait de ses concurrentes comme l'Atari 2600 par son écran intégré à tube cathodique de 9 pouces et ses graphismes vectoriels. Victime du krach de 1983, elle a disparu rapidement mais reste gravée dans la mémoire des passionnés.

Une stratégie tarifaire classique mais efficace

La campagne a déployé une tarification progressive : 99 euros pour les 50 premiers contributeurs, 129 euros pour les 300 suivants durant 24 heures, puis 149 euros en prix standard. Une édition limitée blanche est proposée à 219 euros. Ces paliers échelonnés ont créé le buzz nécessaire tout en maximisant les premiers engagements financiers. Les livraisons sont attendues pour fin 2026, soit environ dix mois après la clôture de la campagne.

Cette mécanique du financement participatif n'a rien de nouveau et rappelle d'autres projets du secteur retrogaming. La Retro VGS avait échoué dans sa levée de fonds en 2015, tout comme d'autres tentatives similaires. Le succès immédiat de la Vectrex Mini contraste avec ces échecs, suggérant une approche plus convaincante ou un public particulièrement réceptif.

Des compromis techniques assumés

L'écran AMOLED de 5 pouces remplace le tube cathodique original de 9 pouces, une contrainte technologique inévitable. La production de tubes cathodiques pour usage grand public a cessé, rendant impossible toute reproduction à l'identique. La technologie AMOLED permet néanmoins d'obtenir des noirs profonds et une luminosité élevée, recréant partiellement l'esthétique des vecteurs lumineux sur fond d'encre.

Le châssis embarque un processeur ESP32 pour l'émulation, un port microSD pour l'ajout de homebrews, et une connectivité Wi-Fi et Bluetooth. Douze jeux seront préchargés avec leurs overlays physiques miniaturisés, ces feuilles transparentes colorées qui compensaient le monochrome de la console originale. La manette Bluetooth reproduit le design d'origine avec son joystick analogique autocentré.

Un point préoccupant : certains puristes estiment que sans tube cathodique vectoriel, l'expérience ne peut pas être authentique, et que les émulateurs ne rendent pas justice à la console. Cette critique touche au cœur du projet et soulève la question de la fidélité face aux contraintes modernes.

Questions en suspens et points de vigilance

Au-delà du succès financier, plusieurs interrogations demeurent. Des contributeurs s'inquiètent de l'absence de mention concernant les droits sur la marque Vectrex, un élément juridique qui pourrait compliquer la production. D'autres rappellent les risques inhérents aux financements participatifs : retards de livraison, produit final différent des promesses, ou projets abandonnés.

La taille réduite de l'écran (5 pouces) a suscité des réserves lors des présentations publiques. Si certains testeurs se sont déclarés conquis par la fidélité de l'expérience, le format smartphone pourrait limiter l'immersion pour des sessions prolongées. La fonction horloge vectorielle intégrée, affichant météo et heure via Wi-Fi, tente de justifier une utilisation quotidienne au-delà du jeu.

Reste la question du catalogue ludique. Les douze jeux inclus (MineStorm II, Bedlam, Hyperchase, Cosmic Chasm, Rip Off, Spin Ball, Spike...) représentent un patrimoine limité graphiquement, datant d'une époque où le rendu vectoriel constituait une prouesse technique. Leur intérêt aujourd'hui repose davantage sur la nostalgie que sur la jouabilité moderne. Le port microSD ouvre certes la porte aux homebrews, mais combien d'utilisateurs exploreront réellement cette possibilité ?

Comme l'illustre le projet GF-1 Neptune de GamesCare qui ressuscite un autre concept abandonné de Sega sans financement participatif, ou encore les déboires de la Retro VGS, le secteur des consoles rétro reste imprévisible. Le succès d'une campagne ne garantit ni la qualité du produit final, ni le respect des délais annoncés.

Entre passion sincère et réalité du marché

Le projet porté par David Oghia semble mené par un véritable passionné, ce qui le distingue des opportunismes commerciaux habituels. L'équipe a présenté des prototypes fonctionnels et développé un écosystème complet incluant un livre de 200 pages sur l'histoire de la console. Cette dimension documentaire apporte une profondeur bienvenue au projet.

Un argument de poids plaide en faveur de la Vectrex Mini : l'accessibilité financière. Sur le marché de l'occasion, une Vectrex originale en état de marche se négocie entre 300 et 600 euros pour un modèle seul, et peut grimper jusqu'à 800 euros voire davantage avec des jeux et accessoires. Ces machines, qui approchent les quarante ans d'âge, souffrent de problèmes récurrents : condensateurs défaillants provoquant l'apparition d'un simple point blanc à l'écran, tubes cathodiques fatigués avec perte de luminosité, ou encore composants électroniques défectueux nécessitant l'intervention de réparateurs spécialisés. Les forums de passionnés regorgent de témoignages d'utilisateurs confrontés à des pannes complexes et coûteuses à réparer. À 149 euros, la Vectrex Mini offre une alternative moderne, fiable et immédiatement fonctionnelle, sans les aléas du matériel vintage. Pour beaucoup, elle représente l'unique moyen d'approcher l'expérience Vectrex sans investir dans une machine d'époque fragile et capricieuse.

Cependant, au-delà de l'objet de collection et du shoot nostalgique qu'il procure, la Vectrex Mini reste une console d'émulation dans un boîtier réduit. Elle ne révolutionne rien et assume ce positionnement. Les 749 000 dollars récoltés témoignent surtout de la force du sentiment nostalgique chez une génération qui a fantasmé sur cette console mythique sans nécessairement l'avoir possédée.

La vraie valeur du projet résidera dans l'exécution : la qualité de fabrication, le respect des délais, et la capacité à recréer suffisamment de l'expérience originale pour justifier l'investissement. Les prochains mois diront si cet engouement initial se transforme en satisfaction durable ou en désillusion collective. Pour l'instant, le succès financier est indéniable, mais comme pour tout financement participatif, la prudence reste de mise jusqu'à la livraison effective des machines.

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Sources : Minimachines, Gamekult, MO5.com, Time Extension, Vectrex.com

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