
Une reconstitution délibérément anachronique
La description du projet affirme recréer fidèlement l'expérience originale de RUIN, comme si le titre appartenait à l'histoire des jeux vidéo domestiques. Le visuel évoque l'esthétique du ZX Spectrum, avec ses teintes criardes et sa pixelisation grossière. Pourtant, les transitions et animations dépassent largement les capacités techniques de ces machines. Le développeur joue sciemment sur cette dissonance, créant un décalage qui souligne le caractère artificiel de cette célébration.
Le projet s'accompagne d'une fiction marketing complète : une édition spéciale prétendument distribuée sur quatre disquettes, une présentation corporate évoquant une "Super-Corp omnipresente", et même un écran de crack simulé. Ces éléments construisent un univers cohérent autour d'une franchise fantôme, transformant l'absence d'histoire en récit à part entière.
Une réception divisée mais enthousiaste
Les joueurs semblent déstabilisés par la nature cryptique du titre. Les commentaires oscillent entre fascination et incompréhension. Certains décrivent avoir traversé quelques écrans sans comprendre les mécaniques, tandis que d'autres saluent la direction artistique et sonore. Un utilisateur résume : "Je ne sais pas ce que je viens de jouer, mais c'était incroyable." Cette ambiguïté semble faire partie intégrante du projet.
La communauté a rapidement cherché des secrets cachés dans le jeu. Des joueurs mentionnent avoir trouvé jusqu'à cinq objets différents, dont certains nécessitent d'explorer des salles dissimulées. Le développeur a confirmé qu'une sortie sur Steam est prévue dans un futur proche, suggérant que ce chapitre initial n'est qu'un avant-goût d'un projet plus ambitieux.
Une nostalgie construite de toutes pièces
Contrairement aux demakes qui adaptent des jeux modernes dans un style rétro — comme le demake de Super Mario Bros. Wonder par Shafox —, RUIN: Chapter 0 invente rétroactivement un patrimoine vidéoludique. Cette approche rappelle certains projets de fiction interactive explorant les frontières entre réalité et simulation, à l'image de Tristam Island qui proposait également une expérience narrative atypique. Le projet se distingue également de Grotesqueresque d'A.V. Dossow, autre création récente en pixel art sur itch.io, par son absence totale de narration explicite.
Cette démarche méta-narrative interroge la façon dont les joueurs construisent leur rapport aux jeux anciens. En fabriquant une mémoire fictive, Official Electric révèle les mécanismes par lesquels la nostalgie opère : des visuels familiers, un discours institutionnel, et suffisamment d'indices pour que l'imagination comble les lacunes. Le projet fonctionne précisément parce qu'il ressemble à quelque chose que nous aurions pu jouer, même si nous savons pertinemment que ce n'est pas le cas.
Le titre est disponible gratuitement en version navigateur, sans nécessiter de téléchargement. Malgré une durée de jeu limitée et une interactivité minimale, RUIN: Chapter 0 parvient à susciter une curiosité durable. Reste à savoir si les chapitres suivants clarifieront l'univers du jeu ou continueront à cultiver cette ambiguïté délibérée.
Sources : itch.io, EGW News, Weird Fucking Games, Warpdoor
Tags : Official Electric