
L'Amiga 1200 : retour sur une révolution technologique de 1992
Pour comprendre la portée de ce remake, il convient de revenir sur l'histoire de la machine originale. L'Amiga 1200, commercialisé en octobre 1992 par Commodore International, représentait la troisième génération d'ordinateurs Amiga destinés au grand public. Proposé au prix de 399 livres sterling au Royaume-Uni et 599 dollars aux États-Unis, il succédait à l'Amiga 500 et à l'Amiga 600, dont il reprenait le design compact en y ajoutant un pavé numérique.
Le chipset AGA, une avancée graphique majeure
La véritable révolution de l'A1200 résidait dans son chipset AGA (Advanced Graphics Architecture), capable de gérer une palette de 16,8 millions de couleurs. La machine pouvait afficher jusqu'à 256 couleurs simultanément en mode standard, et jusqu'à 262 144 couleurs en mode HAM8. Associées à des résolutions allant jusqu'à 1280×512 pixels, ces capacités graphiques plaçaient l'Amiga 1200 au-dessus des consoles concurrentes de l'époque.
Équipé d'un processeur Motorola 68EC020 cadencé à 14 MHz et de 2 Mo de mémoire vive, l'ordinateur intégrait également l'AmigaOS 3.0 et proposait des ports d'extension innovants pour l'époque, dont un slot PCMCIA Type II et un port IDE pour disque dur. Cette architecture en faisait une machine polyvalente, prisée autant par les créateurs que par les joueurs.
Un destin contrarié par la chute de Commodore
Malgré ses qualités techniques indéniables, l'Amiga 1200 n'a jamais atteint le succès commercial de son prédécesseur, l'A500. Dès son lancement, la machine connut un démarrage modeste avec 44 000 unités vendues, en raison notamment d'une pénurie de circuits AGA. La faillite de Commodore en 1994 porta un coup fatal à la machine. Une tentative de relance fut orchestrée en 1995 après le rachat de la marque par Escom, mais les nouvelles unités, vendues au même prix qu'en 1992 et affligées de problèmes de compatibilité, ne parvinrent pas à convaincre. La production cessa définitivement en 1996.
Au total, environ 457 jeux ont été développés pour le chipset AGA, dont des titres devenus cultes comme Alien Breed 3D, The Chaos Engine, Worms: The Director's Cut ou encore Beneath a Steel Sky. Cette ludothèque, bien que riche, n'a jamais pleinement exploité le potentiel technique de la machine, la plupart des éditeurs préférant privilégier le marché plus large de l'A500.
Un clavier fonctionnel et 25 jeux préchargés
Contrairement à THEA500 Mini sorti en 2022, cette nouvelle incarnation propose un clavier de taille réelle pleinement opérationnel, répondant ainsi à l'une des principales demandes de la communauté. Le constructeur, qui avait déjà vendu plus de 100 000 exemplaires de sa version mini, mise cette fois sur l'authenticité avec un format identique à l'original de 1992.
Une sélection de jeux emblématiques
La machine intègre 25 jeux classiques présentés via un carrousel convivial, dont notamment :
- La trilogie Turrican
- Ruff 'n' Tumble
- Beneath a Steel Sky
- Lure of the Temptress
- Defender of the Crown I & II
- The Settlers II: Gold Edition
The Settlers II : un portage attendu depuis 29 ans
Le point d'orgue de cette sélection reste incontestablement l'inclusion de The Settlers II: Gold Edition. Ce portage constitue une véritable prouesse technique et une correction historique. En 1993, le premier Settlers avait rencontré un succès considérable sur Amiga, créant un nouveau genre de jeu de stratégie et de gestion. Mais lorsque le deuxième opus sortit en 1996, le déclin de la plateforme poussa l'éditeur Blue Byte à se concentrer exclusivement sur PC, privant les amigaïstes de cette suite tant attendue.
Près de trois décennies plus tard, le studio allemand Look Behind You a obtenu une licence officielle d'Ubisoft pour réaliser ce portage. Il ne s'agit pas d'une simple conversion, mais d'une version optimisée exploitant pleinement les capacités du chipset AGA. Les configurations matérielles minimales requièrent un processeur 68040 à 40 MHz et 32 Mo de RAM, démontrant l'ambition technique du projet. L'inclusion de ce titre dans THEA1200 confirme que le système dispose d'une puissance d'émulation suffisante pour faire tourner des jeux aux exigences élevées.
Émulation ou FPGA ? La question qui divise la communauté
L'annonce de THEA1200 soulève des interrogations au sein de la communauté des passionnés. La principale question technique concerne la solution d'émulation retenue. Selon les informations disponibles, la machine utiliserait un système similaire à celui de THEA500 Mini, basé sur l'émulateur UAE-ARM fonctionnant sur une puce AllWinner H6 avec processeur ARM Cortex A53, dont la puissance se situerait légèrement en deçà d'un Raspberry Pi 3B. Darren Melbourne, PDG de Retro Games, a toutefois confirmé qu'il s'agit de la machine la plus puissante jamais produite par le fabricant.
Cette approche par émulation logicielle divise les utilisateurs. D'un côté, les puristes privilégient les solutions FPGA (comme le MiST, le V4SA ou l'Apollo A6000) qui recréent fidèlement le comportement matériel d'origine au niveau des circuits. De l'autre, nombreux sont ceux qui estiment que l'émulation actuelle offre des performances largement suffisantes pour retrouver l'expérience d'un Amiga d'époque, voire la surpasser dans certains cas.
Plusieurs membres de la communauté soulignent d'ailleurs que l'émulation moderne permet désormais de faire fonctionner des jeux RTG qui posaient problème à l'époque, notamment au niveau de la gestion du son. Pour beaucoup de possesseurs d'Amiga authentiques équipés de cartes PiStorm ou IceDrake, THEA1200 représente une alternative accessible pour découvrir ou redécouvrir la plateforme, sans remplacer leurs machines originales.
Caractéristiques techniques et connectivité moderne
THEA1200 dispose d'une sortie HDMI multi-région à 50 ou 60 Hz, permettant une compatibilité optimale avec les écrans contemporains. Le système intègre quatre ports USB pour connecter manettes, souris, joysticks et clés de stockage. Cette dernière fonctionnalité autorise le chargement de jeux supplémentaires avec un support complet du format WHDLoad, éliminant ainsi la nécessité de changer de disquettes.
L'interface Workbench est préinstallée, offrant l'expérience complète d'AmigaOS. Chaque jeu propose quatre emplacements de sauvegarde, une fonctionnalité précieuse pour des titres qui n'en disposaient pas à l'origine. Le pack complet comprend une souris de type "tank" au design authentique et une manette à huit boutons inspirée du CD32, disponible en blanc avec la console ou séparément en noir au prix de 19,99 livres sterling.
Le système émule non seulement l'A1200 et son chipset AGA, mais également les configurations A500 (OCS) et Enhanced Chip Set (ECS), garantissant une compatibilité étendue avec des milliers de jeux et démos classiques. La compatibilité avec le contenu CDTV et CD32 est également annoncée.
Un lancement dans un contexte juridique complexe
Cette sortie intervient dans un moment particulier pour l'héritage de Commodore. Comme l'explique la bataille juridique actuelle autour de la marque Commodore, plusieurs entités se disputent l'utilisation du nom légendaire, entre Commodore International racheté par le youtubeur Christian Simpson et Commodore Industries basé en Italie. Cette situation rappelle les conflits qui ont opposé Cloanto et Hyperion Entertainment autour des droits Amiga, retardant d'ailleurs la sortie de THEA1200 qui était initialement prévue pour 2024.
Disponibilité et alternatives
Les précommandes sont accessibles depuis le 10 novembre 2025 sur plusieurs plateformes, notamment Amazon UK et The Game Collection. La livraison est programmée pour le 16 juin 2026. Les accessoires (souris et manette) seront également vendus séparément au prix de 19,99 livres sterling chacun.
Pour ceux qui souhaitent explorer d'autres options, l'univers Amiga propose aujourd'hui plusieurs alternatives : les émulateurs gratuits comme FS-UAE ou WinUAE, les solutions FPGA haut de gamme, ou encore les machines d'origine restaurées et équipées de cartes accélératrices modernes. Le Pi500+ et l'A600GS utilisant des puces Orange Pi Zero 3 constituent également des options intéressantes pour les amateurs de bricolage.
Une scène retrogaming toujours dynamique
Cette annonce s'inscrit dans un contexte plus large de renaissance du patrimoine Amiga. Le magazine Retro Gamer a consacré son numéro 275 aux 40 ans de l'Amiga, célébrant l'impact durable de cette plateforme sur l'industrie créative et vidéoludique. Au-delà des amigaïstes fidèles et des nostalgiques, cette initiative pourrait attirer de nouveaux utilisateurs curieux de découvrir un système qui a marqué l'histoire de l'informatique personnelle et créé les bases du multimédia moderne.
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Sources : RetroDodo, GearNews, Tom's Hardware, Time Extension, Look Behind You, AmigaNG
Tags : THEA500 Mini - THEA1200 - Retro Games Limited - Commodore Amiga - Amiga 1200