La naissance des messageries roses sur Minitel : une révolution technologique qui a ouvert la voie à l'ère numérique

Dans une vidéo fascinante intitulée - La naissance des messageries roses sur Minitel, Yves Rougy nous révèle l'histoire méconnue d'un tournant majeur dans l'évolution technologique française. Remontant à la fin du siècle dernier, lorsque le minitel était un incontournable dans de nombreux foyers français, cette épopée relate la genèse des messageries roses, déclenchant ainsi une véritable révolution de communication. Grâce aux efforts de pionniers tels que Xavier, Manon, Jan, Antoine, Doman, et le barbu, l'histoire fascinante de cette période est désormais à portée de clic.
publié le 16 mai 2023 mis à jour le 17 mai 2023
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Tout commence à la fin des années 1970...

...lorsque le gouvernement français décide de lancer le Plan Téléphone pour Tous. À cette époque, les téléphones filaires étaient encore peu répandus, et ce projet ambitieux visait à équiper tous les foyers français de cette technologie. France Télécom, en tant que société d'État détenant le monopole des télécommunications, joue un rôle central dans cette entreprise.

Alors que de plus en plus de personnes ont accès au téléphone, il devient crucial de trouver des moyens efficaces de rechercher les numéros de téléphone. Traditionnellement, France Télécom éditait des annuaires téléphoniques départementaux en version papier, mais leur mise à jour était lente et pouvait prendre plusieurs mois. Une alternative émerge alors avec le numéro 12, le service des renseignements téléphoniques, où l'on pouvait appeler pour obtenir le numéro recherché. Cependant, cette solution se révèle rapidement insuffisante face à l'afflux croissant d'appels et au coût engendré par l'emploi de nombreuses personnes uniquement pour communiquer des numéros de téléphone.

L'arrivée du Minitel et des messageries roses

C'est à ce moment-là que France Télécom déploie le réseau informatique Transpac à travers le pays. C'est dans ce contexte que le Minitel fait son entrée en scène. D'abord utilisé comme un annuaire électronique permettant de trouver des numéros de téléphone sans attendre la publication des annuaires papier, le Minitel devient rapidement bien plus qu'un simple outil de recherche. L'expérience "Gretel" menée à Strasbourg en 1981 par le journal Les Dernières Nouvelles d'Alsace marque un tournant décisif. Les participants ont accès à diverses informations telles que les programmes télévisés, les horaires des cinémas et la météo, transformant ainsi le Minitel en une technologie révolutionnaire.

L'élément le plus marquant de cette aventure est l'introduction de la fonctionnalité de messagerie sur le Minitel. Les utilisateurs pouvaient désormais échanger des messages avec d'autres abonnés, ouvrant ainsi la voie à des interactions en ligne avant l'ère d'Internet que nous connaissons aujourd'hui.

L'utilisation de la messagerie sur le Minitel devient rapidement addictive, rassemblant un large éventail d'utilisateurs, des jeunes aux personnes âgées, des chefs d'entreprise aux familles. Les échanges deviennent rapidement plus directs et, bien souvent, de nature plus intime.

Les messageries roses sur Minitel deviennent ainsi un lieu de rencontres virtuelles où les utilisateurs se connectent pour échanger des messages, posant des questions sur l'âge, le sexe et les intérêts, préfigurant ainsi les prémices des discussions en ligne que l'on retrouvera plus tard sur des plateformes telles que Caramail.

Les opportunités et les controverses

L'essor des messageries roses ne passe pas inaperçu, et certains entrepreneurs flairant une opportunité lucrative décident de se lancer dans cette industrie florissante. Parmi eux, un jeune lycéen nommé Xavier. En créant son propre service de messagerie rose, il parvient à attirer un public toujours plus nombreux. Pour accéder à son service, il doit se conformer à certaines réglementations et établir une entreprise de presse. Ainsi, Xavier crée un fanzine, un journal amateur, pour répondre aux critères nécessaires. Astucieusement, il propose également son service de messagerie à d'autres entreprises, ouvrant ainsi la voie à une nouvelle source de revenus.

Cependant, cette expansion rapide ne se fait pas sans controverse. Vers 1995, les responsables des messageries roses se retrouvent confrontés à des accusations de proxénétisme. Michel Landart, le créateur de "Gretel", se retrouve même sur le banc des accusés, bien qu'il soit finalement acquitté. Malgré tout, cette période tumultueuse laisse une impression amère et pousse certains acteurs à réorienter leurs activités.

L'après Minitel : Xavier et l'essor d'Internet

Pour Xavier, cette incursion dans le monde des affaires marque un tournant décisif. En 1987, il abandonne ses études pour se consacrer pleinement à ses activités commerciales. Investissant dans des sex-shops et s'associant à un ancien employé de la Société Générale, il prospère dans le secteur du Minitel rose. À seulement 24 ans, en 1990, il devient millionnaire en rachetant les parts de son associé dans une entreprise de Minitel rose appelée "Fair Milk Multimédia". Cette entreprise sera plus tard renommée "Iliad" et deviendra la société mère de Free, un fournisseur d'accès Internet majeur en France. Xavier poursuit ses activités lucratives en créant divers services en ligne, dont le site "Societe.com".

Malgré les succès remportés par les messageries roses sur Minitel, l'arrivée d'Internet dans les foyers à la fin des années 1990 sonne le glas de cette ère technologique. Les utilisateurs se tournent vers des services en ligne qui ne nécessitent pas de frais de communication à la durée. Ainsi, les messageries roses ont non seulement joué un rôle majeur dans l'adoption ultérieure d'Internet, mais ont également pavé la voie à l'émergence de grandes entreprises numériques.

Cette histoire captivante témoigne de l'évolution rapide des technologies de communication et de l'influence profonde qu'elles peuvent exercer sur notre société. Les messageries roses sur Minitel, bien qu'éphémères, ont ouvert la voie à l'avènement de nouvelles formes de communication en ligne, jetant les bases de l'ère numérique dans laquelle nous vivons aujourd'hui. Les leçons tirées de cette période pionnière sont nombreuses, rappelant l'importance de l'adaptabilité et de l'innovation face aux évolutions technologiques.

Témoignage : Marc Vallée, développeur de sites Minitel

Une époque révolue : les messageries Rose, une immersion dans l'univers de la voyance et de l'astrologie. Le Far West des serveurs et l'ère pré-Internet en France. Jadis, en tant que développeur de sites Minitel, j'ai été témoin de cet écosystème sur des serveurs Unix Sco. Malheureusement, le Minitel n'a pas été un tremplin vers l'Internet, mais plutôt un frein en France, avec France Telecom et l'État tirant d'énormes profits. Ma société d'alors avait anticipé ce tournant, et il m'incombait de tester l'installation de serveurs Linux (Slackware à l'époque, avec une trentaine de disquettes !) pendant mes temps libres.

Il est intéressant de noter qu'à l'époque, moins de 1 % des utilisateurs étaient de véritables femmes. Les autres femmes étaient des "Ghosts", des profils fictifs gérés par des opératrices (souvent des retraitées à Marseille). Chaque opératrice s'occupait d'un groupe d'une dizaine de fausses utilisatrices, chacune ayant son propre profil. C'était presque comme du bétail. Lorsqu'un utilisateur se connectait, il était en mode "mute" : quel que soit le message qu'il envoyait, il n'atteignait jamais sa destination. Seules les opératrices pouvaient lui envoyer des messages.

Lorsque l'utilisateur se lassait, elles le passaient à d'autres opératrices ou à un autre ghost de leur groupe, et ainsi de suite. Les opératrices étaient rémunérées en fonction du temps passé par ces "bestiaux". Si une femme véritable était détectée, le mode "mute" lui était retiré, après une surveillance de son activité pour vérifier si elle n'était pas un homme cherchant à tromper le système. Les véritables femmes recevaient un code pour se connecter à un palier beaucoup moins cher, voire gratuitement, en se connectant directement au serveur. Cependant, il fallait rester vigilant, car les concurrents envoyaient parfois des femmes pour débaucher les utilisateurs en discutant avec eux et en lançant des remarques telles que : "Ce site est un peu nul, pourquoi ne vas-tu pas plutôt sur le 31 15 machin ?".

Nous avons donc commencé à développer des "contre-mesures" électroniques : des algorithmes pour détecter lorsque les utilisateurs tapaient du texte en relation avec les sites concurrents, afin de les bloquer. Il est important de souligner que le modèle économique reposait entièrement sur la publicité. Les revenus étaient directement liés à la publicité diffusée à la télévision, à la radio ou dans les campagnes d'affichage. Lorsqu'un site lançait une campagne publicitaire, il était essentiel que les serveurs ne tombent pas en panne et puissent supporter la charge.

Pour revenir aux profits de France Telecom, voici une petite anecdote : lorsque je rencontrais des problèmes du côté du réseau Transpac et que j'appelais France Telecom pour effectuer un diagnostic, on me répondait que les équipes n'étaient disponibles que le mercredi ! En revanche, si un problème survenait sur un site Rose ou Voyance - Source Youtube -

si vous appréciez Yves Rougy, retrouvez-le sur Twitter et sachez qu'il est en direct sur twitch les vendredi et dimanche à 21h... c'est souvent passionnant à écouter ! Merci à lui pour sa confiance !