Pourquoi jouer à plusieurs transforme complètement l’expérience de jeu

publié le 9 août 2025
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Votre meilleur souvenir de jeu implique probablement d’autres personnes. Peut-être cette partie de Monopoly houleuse avec vos amis et cousins, ou ce match FIFA gagné à la dernière seconde pour savoir qui paierait les pizzas du dimanche soir. Les jeux en solo, eux, laissent rarement ces souvenirs, que l’on se raconte encore dix ans après. La présence d’autres joueurs apporte en effet ce que l’intelligence artificielle ne peut simuler : l’inattendu, l’émotion partagée, les disputes parfois, la satisfaction d’avoir des témoins. Les plateformes de jeu l’ont intégré et “poussent” leurs mécaniques autour de cette évidence liée au collectif. Et cela va du bon vieux Monopoly aux jeux mobiles, en passant par les casino en ligne.

Les casinos en ligne redécouvrent le jeu collectif

Tout comme un casino “de briques et de mortier”, un casino en ligne propose poker, blackjack, roulette et machines à sous, etc. Sauf qu’ici, tout est accessible depuis un navigateur internet comme Safari ou Chrome. Après création d’un compte et dépôt d’argent (par carte bancaire ou cryptomonnaies comme le Bitcoin), le joueur accède au catalogue de jeux, souvent au-delà de la centaine pour les meilleurs casinos en ligne français.

Il y a quelques années, l’expérience sur ces plateformes restait essentiellement “en solo” : autrement dit le joueur seul face à un algorithme. Mais depuis quelques temps, les plateformes introduisent des mécaniques “multijoueurs”. Avec une idée claire : recréer, à leur manière du moins, l’atmosphère sociale des casinos physiques. C’est donc tout logiquement que les casinos en ligne français ont adopté le format “live casino”.

Ici, il y a donc de vrais croupiers recrutés par les plateformes, puis filmés en direct depuis un studio, en charge d’animer les tables. Les joueurs voient les cartes distribuées en temps réel, aperçoivent les autres participants autour de la table virtuelle et leurs mises. Le blackjack au format live est particulièrement populaire ces dernières années.

Si l’un des joueurs “streamés” tire une carte qui fait sauter le croupier (dépasser 21 points, synonyme de défaite pour lui), tous les participants encore en jeu gagnent leur mise. À l’inverse, si sa carte arrange le croupier, les autres peuvent perdre. Ce genre d’interdépendance crée des dynamiques totalement absentes du jeu contre l’ordinateur.

Pourquoi au juste se souvient-on mieux des parties à plusieurs ?

Tout simplement parce que les expériences partagées sont encodées différemment dans notre cerveau. Concrètement, une victoire obtenue en solitaire procure certes une satisfaction, mais celle-ci s’estompe rapidement. La même victoire, vécue à plusieurs, mobilise des zones cérébrales supplémentaires, à commencer par celles liées aux interactions sociales.

Il est donc clair que les réactions des autres joueurs (surprise, admiration, parfois jalousie) amplifient l’intensité émotionnelle du moment, et facilitent sa mémorisation à long terme. Vous comprenez maintenant cet ami qui vous raconte encore cette partie de poker où il a bluffé tout le monde avec une paire de deux. Vingt ans après.

Chose intéressante, ce mécanisme fonctionne également pour les défaites, avec un effet surprenant. Un échec solitaire génère forcément son lot de frustration et l’envie de laisser tomber. Un échec collectif, lui, devient souvent matière à discussion, et parfois à rigolade.

Prenez Among Us (ce jeu de déduction où des imposteurs infiltrent un équipage) : la partie où tout votre groupe s’est fait berner par le même imposteur reste dans les mémoires deux ans après. Pourquoi ? Parce que la défaite devient anecdote quand elle est partagée. Les participants re-déroulent ensemble la partie, chacun y allant de sa perspective (“J’avais des doutes mais toi, tu m’as convaincu qu’il était innocent !”). Cette reconstruction narrative fait passer une simple session de jeu à un récit-souvenir de groupe.

Les développeurs de jeux ont bien compris ce phénomène. Cela explique pourquoi ils multiplient les fonctionnalités de partage : les replays automatiques (rediffusions des meilleurs moments), les captures d’écran instantanées, les systèmes de clips intégrés, etc. L’objectif est de transformer l’exploit en solo en moment partageable. L’idée est que rien ne remplace la présence directe de “témoins” !

Pourquoi l’industrie du jeu en ligne parle autant d’engagement “renforcé” ?

L’engagement “renforcé” fait directement référence à l’imprévisibilité des interactions humaines, qui maintiendrait beaucoup mieux l’intérêt sur la durée. En effet, les éditeurs et développeurs ont compris que l’intelligence artificielle (IA), aussi sophistiquée soit-elle, devenait par trop prévisible après quelques dizaines d’heures de jeu. À l’inverse, les adversaires humains apportent de la créativité, des erreurs inattendues, des stratégies inhabituelles, etc. De sorte qu’aucune partie ne ressemble à la précédente.

Cette variabilité permanente combat efficacement la routine qui fait généralement lâcher les jeux en solo. “On se fait une partie ce soir ?” Cette phrase transforme le jeu en rendez-vous social, c’est ainsi que des amis dispersés géographiquement se retrouvent chaque vendredi sur Discord (plateforme de communication vocale) pour leur session de Valorant (un jeu de tir tactique qui se déroule en équipe). Des familles éloignées maintiennent le lien à travers des constructions communes sur Minecraft (jeu de construction emblématique, en monde ouvert). Le jeu devient prétexte au maintien de relations qui, sans lui, s’étioleraient probablement.

Voilà pourquoi les jeux modernes insistent autant sur les mécaniques de création de “guildes” (des groupes permanents de joueurs), de “clans” ou “équipes fixes”. Des codes qui ne sont pas nouveaux, clairement inspirés de philosophies rétrogaming, les premières guildes étant apparues sur le jeu Neverwinter Nights entre 1991 et 1997.

Il s’agit de micro-communautés avec leurs propres codes, leurs blagues, leurs rituels, leurs références. Et les systèmes de parrainage encouragent le recrutement de nouveaux membres avec des récompenses pour le parrain et le filleul. Les convictions de l’industrie du jeu vidéo sont formelles : un joueur intégré dans un groupe actif reste en moyenne trois fois plus longtemps qu’un joueur solitaire.

Crédit photo : Photo de Gordon Cowie sur Unsplash