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Raconte moi un bide : l'Amstrad GX4000

Quand Alan Sugar voulait faire trembler Nintendo : l'épopée ratée de la GX4000 : retour donc sur l'échec retentissant de l'Amstrad GX4000, console britannique de 1990 qui voulait concurrencer Nintendo et Sega avec une technologie dépassée.
publié le 9 août 2025
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La chaîne YouTube Gunhed TV a récemment consacré un épisode de deux heures à l'Amstrad GX4000, console britannique qui figure parmi les échecs les plus retentissants de l'histoire du jeu vidéo. Cette analyse minutieuse révèle les coulisses d'un projet mal né, lancé au plus mauvais moment par Alan Michael Sugar et son équipe.

Un contexte difficile pour une ambition démesurée

En 1990, l'industrie du jeu vidéo vit une période charnière. Alors que Nintendo domine le marché avec sa NES et que Sega s'apprête à lancer sa Megadrive en Europe, Amstrad fait le pari audacieux de se lancer sur le marché des consoles avec la GX4000. Cette décision émane directement de Marion Vannier, directrice d'Amstrad France, qui constate l'essoufflement des ventes d'ordinateurs CPC face à l'émergence des machines 16 bits.

En 1989, les CPC se retrouvent complètement dépassés par les nouvelles machines 16 bits. Résultat, les ventes baissent et une réaction s'impose. Marion Vannier pousse alors Alan Michael Sugar à développer une nouvelle gamme de produits, incluant une console de jeu destinée au marché européen.

En 1990, deux consoles incroyables vont s'affronter : l'Amstrad GX4000 et la Commodore 64 Game System ! Le monde entier retient son souffle : qui va sortir vainqueur de ce duel de titans ? D'un côté le géant Amstrad et de l'autre, l'ogre Commodore. Le combat s'annonce épique car le gagnant remportera la guerre des consoles 8 bits. En réalité j'en fais beaucoup trop dans cette accroche... Nintendo et SEGA sont les leaders incontestés du marché 8 bits et ils regardent déjà la technologie 16 bits avec une insatiable gourmandise. Il n'y a pas eu de match... Enfin si : lequel des deux allait remporter la couronne de la lose internationale.

Les fondements techniques d'un projet contestable

La GX4000 repose sur l'architecture des ordinateurs Amstrad CPC Plus, partageant le même processeur Zilog Z80 cadencé à 4 MHz. Toujours architecturée autour du microprocesseur Zilog Z80 conçu dans les années 1970, la palette de couleurs est étendue à 4 096, le nombre de couleurs affichables simultanément passe à 32.

Cette base technique, déjà vieillissante pour l'époque, constitue le talon d'Achille de la console. Comme le souligne un spécialiste dans la transcription : "C'était génial si la console était sortie en 1986 ou 1987. Fin 1990, une console si faible techniquement fait vraiment désordre".

Un lancement raté malgré un budget considérable

Amstrad investit massivement dans le lancement de sa console. Le lancement a lieu en septembre 1990, avec un budget publicitaire de 200 millions de francs (environ 30,5 millions d'euros). La machine est commercialisée à 990 francs en France, positionnement tarifaire ambitieux pour une console techniquement en retard.

La presse spécialisée réserve un accueil mitigé à la GX4000. Le magazine Tilt, référence de l'époque, se montre particulièrement critique. Dans une interview mémorable, Alan Michael Sugar déclare avec aplomb que sa console rivalisera avec les futures machines 16 bits japonaises, affirmation qui provoque l'hilarité des journalistes spécialisés.

Dans le guide 1991 de Tilt, la console n'avait aucun atout face à ses concurrentes directes Nintendo Entertainment System et Mega Drive, de plus elle était vendue trop chère, puisque avec trois cents francs supplémentaires on pouvait s'offrir une 16 bits avec des jeux de qualité bien supérieure.

Un catalogue de jeux insuffisant

Le problème majeur de la GX4000 réside dans son catalogue logiciel. Moins de 30 jeux sortent commercialement sur la console, dont beaucoup ne sont que de simples portages des versions CPC existantes. Ocean Software, principal partenaire de lancement, livre des titres comme Burning Rubber (fourni avec la console), Batman ou Robocop 2, mais sans exclusivités marquantes.

Les éditeurs français comme Loriciels, Infogrames et Titus soutiennent initialement le projet, mais rapidement les annulations se multiplient. Des titres annoncés comme Double Dragon, Midnight Resistance ou Toki ne voient jamais le jour commercialement.

L'échec commercial : des chiffres accablants

Les résultats commerciaux de la GX4000 s'avèrent catastrophiques. En mars 1991, moins de 13 000 unités de la GX4000 sont écoulées et ce, malgré une baisse de prix significative. En juillet 1991, quelques mois avant l'arrêt de sa production, la console ne se sera vendue qu'à 150 000 exemplaires.

Pour mettre ces chiffres en perspective, Amstrad avait initialement prévu de produire 300 000 consoles et tablait sur des ventes de 150 000 à 200 000 unités pour la seule fin d'année 1990. La réalité du marché rattrape brutalement ces projections optimistes.

Face à ce désastre commercial, Marion Vannier tente de sauver les meubles en baissant drastiquement les prix. La console passe de 990 francs à 690 francs au second trimestre 1991, puis à 290 francs lors du Super Game Show, pour finir bradée à 199 francs en janvier 1992.

Une guerre perdue contre Commodore

Parallèlement à l'échec d'Amstrad, Commodore connaît un sort similaire avec sa Commodore 64 Games System, console basée sur l'antique Commodore 64 et lancée également en 1990. Des problèmes similaires ont eu lieu pour la société concurrente Amstrad quand leur console GX4000 fut sortie la même année.

Dans ce match des perdants, Amstrad l'emporte néanmoins sur Commodore : 75 000 GX4000 produites contre 20 000 C64GS, et 25 000 unités vendues contre 10 000 pour la console de Commodore.

Les raisons d'un échec annoncé

L'échec de la GX4000 s'explique par plusieurs facteurs convergents. D'abord, le mauvais timing : sortir une console 8 bits en septembre 1990, quelques semaines avant la Megadrive 16 bits de Sega, relève de l'inconscience commerciale.

Ensuite, l'absence de vision stratégique d'Alan Michael Sugar dans le domaine du jeu vidéo. Contrairement à Nintendo ou Sega, Amstrad ne comprend pas les spécificités du marché des consoles, notamment l'importance des exclusivités et des licences fortes.

Enfin, la réticence des éditeurs à développer des contenus exclusifs pour une machine à l'avenir incertain prive la console de l'élément différenciant indispensable face à la concurrence japonaise.

Un héritage inattendu

Paradoxalement, la GX4000 connaît aujourd'hui une seconde jeunesse grâce à la communauté des développeurs indépendants. Certaines réalisations comme le remake de Ghost'n Goblins ou de Sonic the Hedgehog prouvent que c'était une console 8bit très performante. En 2021 on s'en tape que la console était dépassée fin 1990 et on se rend compte qu'elle en a dans le ventre si bien programmée.

De nombreux jeux homebrew sortent régulièrement, démontrant le potentiel inexploité de la machine. Cette renaissance tardive ne change rien au constat historique, mais offre une réhabilitation technique posthume à cette console mal-aimée.

L'histoire de l'Amstrad GX4000 illustre parfaitement les dangers d'une stratégie produit déconnectée des réalités du marché. Malgré un budget marketing conséquent et le soutien initial des éditeurs européens, rien ne pouvait compenser les défauts fondamentaux d'une console techniquement dépassée, arrivée au mauvais moment dans un secteur en pleine révolution.

Sources : D.A.T.A., Wikipédia, Spherama, Gamopat

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